Un prêtre belge témoigne: j’étais traditionaliste

Présentation

Par l’Abbé Pierre N., prê­tre bel­ge

Prêtre dio­cé­sain depuis pre­sque quin­ze ans, curé de plu­sieurs parois­ses, j’ai tou­jours été inté­res­sé par les que­stions litur­gi­ques.  Très tôt, j’ai décou­vert ce que l’on appel­le de façon abu­si­ve “la Tradition” et la “Messe tra­di­tion­nel­le”.  J’ai fré­quen­té les “fra­ter­ni­tés sacer­do­ta­les” Saint-Pierre et Saint-Pie X…  A l’heure de l’entrée au sémi­nai­re, j’ai déci­dé de deve­nir prê­tre dio­cé­sain.  Après une for­ma­tion com­plè­te et dispen­sée par des pro­fes­seurs con­scien­cieux, j’ai été ordon­né au début des années 2000.

J’ai appris à célé­brer la “for­me extraor­di­nai­re” du rite romain.  Nommé vicai­re de sept parois­ses, j’ai évi­dem­ment célé­bré tous les jours la Messe de Paul VI.  Néanmoins, je pro­fi­tais de diver­ses occa­sions pour célé­brer la “mes­se tri­den­ti­ne”.  Mon cœur ten­dait vers cet­te litur­gie que je sou­hai­tais fai­re con­naî­tre à mon entou­ra­ge.  Avec le recul, je me rends comp­te que mes moti­va­tions éta­ient néga­ti­ves. Je com­pa­rais sans ces­se “l’ancien” et “le nou­veau” rite en appro­fon­dis­sant le pre­mier et en nour­ris­sant une mul­ti­tu­de de pré­ju­gés sur le second.

Des pains pitas à la pla­ce des hosties

Un prêtre célébrant la messe avec des chips

Un prê­tre célé­brant la mes­se avec des chips

Les nom­breux exem­ples d’abus litur­gi­ques me pous­sa­ient dans ce sens. Dans ce domai­ne, j’ai plus ou moins tout vu et tout enten­du : pains “pit­ta” à la pla­ce des hosties, absen­ces d’ornements, dik­ta­ts gro­te­sques d’équipes litur­gi­ques, célé­bra­tions plus pro­che du car­na­val que du renou­vel­le­ment du Sacrifice de la Croix… Le tout au nom de la créa­ti­vi­té pasto­ra­le.  En fait, je regar­dais la Messe de Paul VI uni­que­ment sous l’angle des abus.  Je dois avouer que je l’ai rare­ment vu célé­brée cor­rec­te­ment et jamais dans sa for­me nor­ma­ti­ve.   Avec le recul, je me dis que si tel avait été le cas, je n’aurais sans dou­te pas eu autant de pré­ju­gés.

La découverte du monde “tradi”.

Désirant la célé­bra­tion de la mes­se dite “tra­di­tion­nel­le”, j’ai fré­quen­té dif­fé­ren­tes fra­ter­ni­tés : Saint-Pie X et Saint-Pierre. J’y con­nais beau­coup de fidè­les et de prê­tres.  Je ne juge donc pas les sen­ti­men­ts de foi et de pié­té qui les ani­ment.  J’ai con­nu de sain­ts prê­tres et d’autres beau­coup moins…  Comme par­tout.  J’ai beau­coup lu, j’ai beau­coup que­stion­né.  J’ai ren­con­tré, hélas, beau­coup d’orgueil.  Que de prê­tres et de fidè­les de ces grou­pu­scu­les ont la cer­ti­tu­de d’être les dépo­si­tai­res de la bon­ne maniè­re de fai­re au milieu d’une Eglise “gan­gré­née” par le “moder­ni­sme” et le “pro­gres­si­sme”.

Le pro­blè­me c’e­st plu­tôt la per­te de la foi

Une messe de la Fraternité Saint-Pie-X, séparée de Rome

Une mes­se de la Fraternité Saint-Pie‑X, sépa­rée de Rome

Dans ce milieu aus­si, j’ai plus ou moins tout vu et tout enten­du, jusqu’à l’écœurement.  Sans juger des bon­nes inten­tions de nom­breux fidè­les, mais en regar­dant atten­ti­ve­ment la situa­tion, je ne peux m’empêcher de con­sta­ter que ces grou­pes con­sti­tuent une Eglise dans l’Eglise.  Au fond — et cet­te appré­cia­tion n’engage évi­de­ment que moi — le discours de base de ces deux fra­ter­ni­tés ne varient que très peu, à quel­ques détails près…  Ce qui se dit à voix hau­te d’un côté est mur­mu­ré à l’oreille de l’autre avec cet­te même assu­ran­ce que seu­le ce qu’ils con­si­dè­rent com­me “la Tradition” est la solu­tion à la cri­se que tra­ver­se l’Eglise.

En y réflé­chis­sant bien, je me dis que si on avait une solu­tion uni­ver­sel­le et immé­dia­te, on l’aurait déjà appli­quée   Le pro­blè­me de la per­te de la foi est malheu­reu­se­ment plus pro­fond qu’une sim­ple que­stion de rites.

Un prê­tre lui a dit que la nou­vel­le mes­se était de la vian­de ava­riée

Je crois que le dan­ger est d’éclater l’Eglise en une mul­ti­tu­de de “cha­pel­les” qui devien­nent de véri­ta­bles “ghet­to”, seuls bastions de la “vra­ie foi” et de la “Tradition”.  Les déri­ves sont nom­breu­ses et effra­yan­tes. Je pour­rais citer de nom­breux exem­ples dont j’ai moi-même été le témoin direct. Je me sou­viens de cet­te demoi­sel­le, fidè­le de la fra­ter­ni­té Saint-Pierre.  Obligée de tra­vail­ler occa­sion­nel­le­ment le diman­che, et ne pou­vant assi­ster à la “vra­ie mes­se” le matin, elle fai­sait le soir plus de cent kilo­mè­tres pour assi­ster sans scru­pu­le à une mes­se bas­se célé­brée dans une égli­se de la fra­ter­ni­té Saint-Pie X, de peur de per­dre la foi en allant près de chez elle à une “mes­se…  pro­te­stan­te”.  Quand on con­naît le sta­tut cano­ni­que de ces prê­tres de la fra­ter­ni­té Saint-Pie X, on se deman­de où est le pro­te­stan­ti­sme…

Les abus liturgiques ont contribué à crisper les fidèles

Les abus litur­gi­ques ont con­tri­bué à cri­sper les fidè­les

Je me sou­viens d’une autre per­son­ne qui com­mu­niait de ma main quand je célé­brais la mes­se dans la for­me extraor­di­nai­re et qui refu­sait cet­te même com­mu­nion quand je célé­brais dans la for­me ordi­nai­re…   Je me sou­viens d’un jeu­ne dérou­té par­ce qu’un prê­tre lui avait dit : “La nou­vel­le mes­se est de la vian­de ava­riée ou de l’eau crou­pie. On peut y assi­ster si on n’a rien d’autre, mais si l’eau vive de la Tradition cou­le à pro­xi­mi­té, il n’y a pas d’hésitation pos­si­ble à avoir afin d’éviter à long ter­me l’empoisonnement. »  Si on suit logi­que­ment ce rai­son­ne­ment, c’est tou­te l’Eglise qui a som­bré dans l’apostasie.

Ouvrir les yeux, c’e­st risque de per­dre la foi et quit­ter un systè­me sécu­ri­sant

Face à ces aber­ra­tions, le dia­lo­gue est qua­si­ment impos­si­ble.  On est direc­te­ment accu­sé d’être un men­teur (“On n’a jamais dit ça ”, “Vous exa­gé­rez… ”) ou un moder­ni­ste.  J’ai per­son­nel­le­ment atti­ré l’attention d’une con­nais­san­ce sur le dan­ger de l’intégrisme et de la radi­ca­li­sa­tion dans ces “sain­tes cha­pel­les” : elle est par­tie…  refu­sant le dia­lo­gue et m’assurant que ce n’était pas vrai.  Comme si rec­ti­fier, abor­der cer­tains suje­ts, ouvrir les yeux, c’est risquer de per­dre la foi, c’est quit­ter un systè­me sécu­ri­sant et un cer­tain milieu social.

Quand on regar­de les chif­fres des tra­dis, on est loin du mira­cle

Certaines motivations des traditionalistes sont plus politiques que religieuses

Certaines moti­va­tions des tra­di­tio­na­li­stes sont plus poli­ti­ques que reli­gieu­ses

La pro­pa­gan­de inter­ne de ces grou­pes assu­re que c’est au sein de la “Tradition” que se trou­ve la relè­ve et qu’on y voit beau­coup de famil­les.  Mais si l’on regar­de froi­de­ment les chif­fres (à l’échelle mon­dia­le et même natio­na­le), on se rend vite comp­te qu’on est loin du mira­cle.  Lors de mes nom­breux apo­sto­la­ts auprès des enfan­ts et des jeu­nes gens, j’ai sou­vent con­sta­té que ceux qui pria­ient le moins bien vena­ient pré­ci­sé­ment “du milieu” et que le ver­nis, si bril­lant soit-il, se cra­que­lait assez vite chez ceux qui quit­ta­ient leur “milieu”.

De plus, j’ai pu con­sta­ter que cer­tains fidè­les qui opta­ient pour ce “milieu” ne le fai­sa­ient pas uni­que­ment pour une que­stion litur­gi­que, mais éga­le­ment pour “épou­ser” cer­tai­nes idéo­lo­gies qui s’éloignent for­te­ment de la dimen­sion reli­gieu­se.  Greffer des idéo­lo­gies sur la foi est une véri­ta­ble tra­gé­die car cela com­pro­met for­te­ment la fidé­li­té à l’enseignement du Christ et un apo­sto­lat auprès d’un public lar­ge et varié.  Ces idéo­lo­gies sont géné­ra­le­ment poli­ti­ques et frô­lent bien sou­vent l’extrémisme.

Redécouverte de la Tradition de l’Eglise.

Au fil de mes ren­con­tres et de mes lec­tu­res, je décou­vre peu à peu une autre réa­li­té.  J’entends un autre son de clo­che…  J’aborde la que­stion de la “Tradition” avec des con­frè­res dio­cé­sains, j’accepte de lire autre cho­se.

Il n’y a pas de rup­tu­re entre l’an­cien­ne et la nou­vel­le mes­se

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Messe d’or­di­na­tion à Evron… célé­brée selon le mis­sel actuel de Vatican II

Un parois­sien, qui est deve­nu un ami, me fait décou­vrir le site inter­net “Pro Liturgia” et me don­ne quel­ques bon­nes lec­tu­res, entre autres les écri­ts de Benoît XVI et de Denis Crouan. C’est tout d’abord l’étonnement, puis l’émerveillement. Je redé­cou­vre cer­tains tex­tes du der­nier Concile et la véri­ta­ble Tradition de l’Eglise.  Je m’aperçois que cet­te appel­la­tion a été indû­ment employée par des fra­ter­ni­tés pour justi­fier une cer­tai­ne pasto­ra­le et atti­rer les fidè­les las­sés par les abus litur­gi­ques. Cette réfle­xion a pris du temps…  Peu à peu, je tire quel­ques con­clu­sions de cet appro­fon­dis­se­ment.

Contrairement à ce que ces grou­pu­scu­les tra­di­tion­na­li­stes font croi­re, il n’y a pas de rup­tu­re entre le pas­sé et le pré­sent, entre le mis­sel de 1962 et celui de 1969.  Les tex­tes offi­ciels (Concile, Présentation géné­ra­le du Missel romain, les tex­tes de S. Jean-Paul II et de Benoît XVI…) insi­stent pré­ci­sé­ment sur la con­ti­nui­té de la Tradition de l’Eglise.

La Messe restaurée.

La Messe restau­rée par l’Eglise à la deman­de du der­nier Concile et du Bx Paul VI n’est pas syno­ny­me de pau­vre­té litur­gi­que, très loin de là. Pour ceux qui le sou­hai­tent, la célé­bra­tion nor­ma­ti­ve est aus­si pos­si­ble en latin et orien­tée. Tout prê­tre peut célé­brer de la sor­te  Les der­niers pro­pos du Cardinal Sarah, Préfet pour le Culte divin, l’attestent à nou­veau.

Tout prê­tre peut célé­brer en latin et vers l’Orient dans le nou­veau rite

A l’analyse, on se rend vite comp­te que la struc­tu­re entre les deux mis­sels est évi­dem­ment iden­ti­que et que si cer­tai­nes priè­res ont été sup­pri­mées lors de la réfor­me con­ci­liai­re, c’est pour évi­ter les “dou­ble­ts” et les accu­mu­la­tions par­fois tar­di­ves de l’histoire. Il n’y a pas une “Messe de tou­jours” mais une “Eucharistie de tou­jours” célé­brée par un rite qui a iné­vi­ta­ble­ment chan­gé au fil du temps. Le sou­hait du der­nier Concile était de ren­dre à ce rite (le rite romain) sa beau­té pri­mi­ti­ve, en met­tant davan­ta­ge en lumiè­re les deux gran­des par­ties de la Messe : la litur­gie de la Parole et la
litur­gie Eucharistique.

Si la mes­se était célé­brée cor­rec­te­ment, on ne ferait pas des kilo­mè­tres pour aller chez les tra­dis

Je pen­se que le mou­ve­ment tra­di­tion­nel s’est déve­lop­pé en réac­tion aux abus litur­gi­ques. Il est clair qu’il est plus faci­le de trou­ver une “mes­se tri­den­ti­ne” que d’assister à une mes­se célé­brée dans la for­me ordi­nai­re en latin sur un autel orien­té.  Bien plus, je suis per­sua­dé que si cet­te der­niè­re solu­tion avait été pro­po­sée dès la réfor­me du Missel, il n’y aurait pas eu cet écla­te­ment litur­gi­que que nous con­nais­sons aujourd’hui.

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Les abus litur­gi­ques sont sou­vent justi­fiés par la “pasto­ra­le” ou pour que “les jeu­nes com­pren­nent”.

Lors de mes nom­breu­ses con­ver­sa­tions avec des fidè­les fré­quen­tant des cha­pel­les ou égli­ses “tra­di­tion­nel­les”, j’ai sou­vent enten­du la même réfle­xion : “Si la Messe était célé­brée cor­rec­te­ment dans notre parois­se, on ne ferait pas des kilo­mè­tres pour aller à tel endroit…”  Dans beau­coup de cas, le dépla­ce­ment n’est pas moti­vé par le désir de la “mes­se tri­den­ti­ne” mais tout sim­ple­ment par l’attrait d’une célé­bra­tion où l’on retrou­ve un cer­tain sens du sacré, malheu­reu­se­ment sou­vent con­fon­du avec un déco­rum pom­peux, désuet et géné­ra­le­ment de mau­vais goût.  Je me suis sou­vent
deman­dé si la plu­part des fidè­les sera­ient d’ailleurs capa­bles de fai­re la dif­fé­ren­ce entre la “mes­se tri­den­ti­ne” et une “mes­se de Paul VI” célé­brée dans de bon­nes con­di­tions.  La majo­ri­té trou­ve­rait sans dou­te une tel­le célé­bra­tion selon le Missel actuel très… “tra­di­tion­nel­le”.

Le Lectionnaire

A l’usage, il faut recon­naî­tre que le Lectionnaire de 1962 est étri­qué.  En ce qui con­cer­ne les mes­ses quo­ti­dien­nes, c’est qua­si­ment tous les jours les mêmes lec­tu­res.  A croi­re que l’Ecriture Sainte se limi­te à la “Femme vail­lan­te” du livre de la Sagesse (mes­se des Saintes Femmes non mar­ty­res) ou au “Sel de la ter­re” de l’Evangile (mes­se des Confesseurs).  Bien sûr, il est pos­si­ble d’utiliser les mes­ses voti­ves et les mes­ses pour cer­tai­nes cir­con­stan­ces…  Mais on ne fait dès lors plus men­tion du saint du jour.  A l’usage, je com­prends pour­quoi l’Eglise a éla­bo­ré un Lectionnaire plus com­plet pour la célé­bra­tion de la mes­se. Il me sem­ble bon que le fidè­le soit con­fron­té à la Parole de Dieu (même les extrai­ts dérou­tan­ts ) pour ne pas som­brer dans une mul­ti­tu­de de dévo­tions qui éloi­gnent son cœur du sens même de la célé­bra­tion.

Le danger d’idéaliser un passé qui n’a jamais existé

Les anciennes messes ressemblaient rarement à ça...

Les ancien­nes mes­ses res­sem­bla­ient rare­ment à ça…

Quand on étu­die l’histoire de la litur­gie, on con­sta­te que la célé­bra­tion pré­sen­tée par cer­tains com­me “tra­di­tion­nel­le” n’est deve­nue la nor­me uni­ver­sel­le qu’au cou­rant du XIXe siè­cle.  Dans ses nom­breux écri­ts, Denis Crouan, Docteur en théo­lo­gie, démon­tre qu’il ne faut pas con­fon­dre la gran­de Tradition de l’Eglise avec des habi­tu­des et un décor héri­té du siè­cle pas­sé.  Il sem­ble acquis que la célé­bra­tion a varié au cours des âges, étant sau­ves les par­ties essen­tiel­les de la Messe qui en con­sti­tuent le fon­de­ment.  On ne peut pas met­tre sur le même plan les priè­res au bas de l’autel et les priè­res de la Consécration…

La solu­tion n’e­st pas de met­tre la mes­se en con­ser­ve

Je pen­se que la for­me “extraor­di­nai­re” de la Messe que l’on voit aujourd’hui est “exem­plai­re” (et n’a dès lors pas exi­stée histo­ri­que­ment) dans le sens où elle n’est choi­sie que par les prê­tres qui la célè­brent et les fidè­les qui y assi­stent.  Dès lors, cet­te for­me est con­ser­vée dans un bocal her­mé­ti­que, ce qui est con­trai­re à la vie même de l’Eglise au cours des siè­cles.

Affirmer que cet­te Messe est un rem­part con­tre les abus litur­gi­ques, c’est mécon­naî­tre l’histoire qui est rem­plie d’anecdotes savou­reu­ses sur la façon dont cer­tains prê­tres la célé­bra­ient autre­fois.

Vouloir uti­li­ser une recet­te ancien­ne pour affron­ter les pro­blè­mes d’aujourd’hui, est-ce sou­hai­ta­ble et judi­cieux ? Bien sûr, l’Eglise doit pui­ser dans sa Tradition pour vivre le pré­sent, mais elle n’a jamais abso­lu­ti­sé une situa­tion ou une épo­que. Son génie a tou­jours été de s’adapter à cha­que situa­tion pour por­ter l’Evangile au plus grand nom­bre. La solu­tion n’est donc pas dans la repro­duc­tion d’un pas­sé aujourd’hui désuet : elle est dans une sai­ne accep­ta­tion de la Tradition vivan­te de l’Eglise, com­me l’a déve­lop­pé le der­nier Concile.

Un chemin exigeant

Avec le temps, je pen­se que la vie de l’Eglise n’est ni dans le pro­gres­si­sme, ni dans le tra­di­tio­na­li­sme. L’attitude vrai­ment fidè­le n’est-elle pas de vivre aujourd’hui dans l’Eglise en pui­sant dans la riches­se de sa Tradition pour regar­der l’avenir avec con­fian­ce ?  Dans ce sens, le pas­sé n’est ni à reje­ter, ni à abso­lu­ti­ser.  Qu’on le veuil­le ou non, les situa­tions ne sont plus les mêmes qu’il y a cin­quan­te ans   Le nier et fai­re “com­me si”, c’est fai­re pre­u­ve d’un aveu­gle­ment spi­ri­tuel. On ne peut pas fai­re com­me s’il n’y avait pas eu de Concile, com­me s’il n’y avait pas eu de réfor­me litur­gi­que.

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Il faut sou­te­nir les jeu­nes prê­tres qui célè­brent cor­rec­te­ment la mes­se

 

On ne peut pas figer la vie de l’Eglise dans les usa­ges d’une épo­que aujourd’hui révo­lue.  Je con­nais des prê­tres, reli­gieux ou dio­cé­sains qui emprun­tent ce che­min : ils sont fiers de la Tradition de l’Eglise ; ils por­tent à l’occasion la sou­ta­ne (qui n’est pas réser­vée aux prê­tres des fra­ter­ni­tés) et célè­brent la litur­gie selon les véri­ta­bles règles éta­blies par l’Eglise.  Je pen­se que les fidè­les sou­cieux de Tradition doi­vent sou­te­nir ces ini­tia­ti­ves afin d’éviter que celle-ci ne soit con­fi­squée par cer­tains grou­pes qui en tra­ve­stis­sent le sens.  C’est un che­min exi­geant car il ne sati­sfait ni les “pro­gres­si­stes” qui y voient une for­me de “retour en arriè­re”, ni les “tra­di­tion­na­li­stes” qui y voient du moder­ni­sme.  C’est pour­tant, selon moi, la seu­le atti­tu­de vrai­ment ecclé­sia­le.

La voie faci­le, c’e­st de tolé­rer
quel­ques cha­pel­les tra­dis dans un dio­cè­se et d’au­to­ri­ser le bri­co­la­ge litur­gi­que par­tout ail­leurs

La voie faci­le con­si­ste à tolé­rer quel­ques “cha­pel­les tra­dis” dans un dio­cè­se… et de lais­ser plus ou moins tout fai­re ail­leurs. “Chacun fait ce qu’il lui plaît”, com­me le dit la chan­son… Mais est-ce sou­hai­ta­ble et catho­li­que à long ter­me ? Il me sem­ble que l’avenir pas­se par une sai­ne réap­pro­pria­tion de la Tradition par tout prê­tre. Celle-ci n’est pas l’apanage ou “la mar­que de fabri­que” de tel ou tel grou­pe mais elle est le tré­sor de tou­te l’Eglise.

En gui­se de con­clu­sion, il me sem­ble impor­tant que cha­que prê­tre catho­li­que célè­bre la Messe selon les règles actuel­les du Missel romain, c’est-à-dire dans la for­me ordi­nai­re, en uti­li­sant tou­tes les pos­si­bi­li­tés du rite restau­ré et en refu­sant le “bri­co­la­ge litur­gi­que”. C’est, à mon hum­ble avis, la seu­le solu­tion con­tre la radi­ca­li­sa­tion de cer­tains fidè­les. Fort heu­reu­se­ment, la réa­li­té et la vita­li­té de l’Eglise dépas­sent lar­ge­ment les grou­pu­scu­les tra­di­tion­na­li­stes, même s’ils font beau­coup de brui­ts en France et même en Belgique par l’importation de prê­tres… fra­nçais.

Il impor­te donc de con­si­dé­rer l’Eglise dans sa dimen­sion uni­ver­sel­le qui, pour être cré­di­ble face à nos con­tem­po­rains, doit affron­ter les pro­blè­mes de ce temps avec auda­ce et fidé­li­té à l’enseignement du Christ.

Chaque prê­tre a le devoir d’œuvrer pour l’unité de l’Eglise.  Dans la cri­se de la foi et de l’autorité que nous vivons, le plus beau témoi­gna­ge que le prê­tre doit don­ner, c’est de vou­loir ce que veut l’Eglise aujourd’hui, dans l’obéissance et la fidé­li­té.

“Respecter la litur­gie lorsqu’elle évo­lue dans le seul but de tra­dui­re la foi et la vie inti­me de l’Eglise, c’est mani­fe­ster publi­que­ment tant l’amour que nous por­tons au Christ que notre doci­li­té à l’enseignement de son Eglise.  C’est aus­si favo­ri­ser, cul­ti­ver et appro­fon­dir la ver­tu d’obéissance par laquel­le on a tou­jours su recon­naî­tre les véri­ta­bles disci­ples du Christ.”  (Denis Crouan, Tradition et litur­gie, Ed. Téqui., 2005)

Abbé Pierre N. , prê­tre bel­ge

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