François l’insondable. Quand il freine, il accélère

À trois repri­se déjà cet­te année, François a fait volte-face sur des que­stions cru­cia­les, à cha­que fois sans que l’on sache si c’est défi­ni­tif ou sin­cè­re, étant don­né ce qu’il a dit et fait avant et après ces appa­ren­tes mar­ches arriè­res.

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La pre­miè­re fois qu’il a fait volte-face, c’est con­cer­nant l’ordination des fem­mes à la prê­tri­se. À pro­pre­ment par­ler, Jorge Mario Bergoglio ne s’est pas con­tre­dit par­ce que, depuis qu’il est pape, à cha­que fois qu’il a été inter­pel­lé sur le sujet, il s’est tou­jours décla­ré per­son­nel­le­ment oppo­sé, par exem­ple après son voya­ge en Suède ou il avait pour­tant embras­sé un fem­me évê­que luthé­rien­ne (voir pho­to).

Dans le même temps cepen­dant, il a long­temps lais­sé cou­rir des opi­nions favo­ra­bles, même de la part de per­son­na­li­tés amies com­me cel­le du car­di­nal de Vienne Christoph Schönborn.

Le 29 mai der­nier pour­tant, une note du pré­fet de la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi est parue dans « L’Osservatore Romano » signée par le jésui­te espa­gnol Luis Ladaria pour recon­fir­mer que le non aux fem­mes prê­tres était « défi­ni­tif » et « infail­li­ble ».

Ladaria jouit de l’estime de François qui l’a créé car­di­nal il y a quel­ques jours. Il faut cepen­dant pré­ci­ser que les par­ti­sans des fem­mes prê­tres n’ont pas bais­sé les bras puisqu’entretemps, François a char­gé une com­mis­sion d’étudier l’ordination des fem­mes non pas à la prê­tri­se mais au dia­co­nat, qui est pour­tant tou­jours un sacre­ment et qui est la pre­miè­re des trois mar­ches qui mènent à l’ordination épi­sco­pa­le.

À en juger la docu­ment pré­pa­ra­toi­re du syno­de pour l’Amazonie pré­vu à l’agenda 2019, on pré­voit que c’est dans cet­te région que l’on ordon­ne­ra les pre­miè­res fem­mes dia­cres. Ensuite, qui sait.

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La secon­de volte-face con­cer­ne le fait de don­ner la com­mu­nion aux pro­te­stan­ts mariés à un con­joint catho­li­que. Interrogé sur cet­te que­stion il y a trois ans alors qu’il visi­tait l’église luthé­rien­ne de Rome, le Pape François a mon­tré qu’il pen­chait en faveur de cet­te pra­ti­que.  Et en Allemagne, où les cou­ples mix­tes sont nom­breux, cet­te nou­vel­le pra­ti­que s’est répan­due à un tel point que les évê­ques alle­mands ont approu­vé à la majo­ri­té en février der­nier un docu­ment qui la justi­fie.

Sept évê­ques dont un car­di­nal ont cepen­dant fait appel à Rome. Le pape les a con­vo­qués pour des con­sul­ta­tions, il a pris son temps mais il a ensui­te remis cet­te que­stion entre les mains du car­di­nal Ladaria qui, dans une let­tre rédi­gée le 25 mai der­nier avec « le con­sen­te­ment expli­ci­te du pape » a blo­qué aus­si bien le docu­ment que la pra­ti­que qui était lar­ge­ment entrée dans les mœurs en ren­voyant le dos­sier à une réfle­xion ulté­rieu­re « au niveau de l’Église uni­ver­sel­le » et à un accord œcu­mé­ni­que glo­bal, c’est-à-dire à un futur éloi­gné et hypo­thé­ti­que, étant don­né que les Églises ortho­do­xes sont farou­che­ment oppo­sées à ce qu’on appel­le l’« inter­com­mu­nion ».

Sauf que, il y a quel­ques jours, de retour de son voya­ge à Genève, une vil­le pro­te­stan­te, François a de nou­veau ouvert la que­stion en fai­sant l’éloge du docu­ment reca­lé par Ladaria et en assu­rant qu’« il n’y a eu aucun coup de frein ».

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La troi­siè­me volte-face, et sans dou­te la plus impres­sion­nan­te, c’est cel­le que le Pape François a réa­li­sée con­cer­nant les évê­ques du Chili –l’un d’entre eux en par­ti­cu­lier, Juan de la Cruz Barros Madrid – com­pli­ce des abus sexuels per­pé­trés par le prê­tre qui a été leur édu­ca­teur dans leur jeu­nes­se, Fernande Karadima, jugé et con­dam­né par la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi en 2011.

Jusqu’à il y a quel­ques mois à pei­ne, François se disait archi-convaincu de l’innocence de ces évê­ques et il les défen­dait bec et ongles con­tre ceux qui les « calom­nia­ient ».

Ensuite, les 2.400 pages de l’enquête cano­ni­que qu’il avait fini par ordon­ner l’ont for­cé à avouer s’être com­plè­te­ment trom­pé « par man­que d’informations fia­bles ». La fau­te à qui ?

Les prin­ci­paux sou­pçons se sont por­tés sur le car­di­nal Francisco J. Errázuriz, ami de lon­gue date de Bergoglio. Mais c’est sur­tout un jésui­te qui est à l’origine de cet­te trom­pe­rie, Germán Arana, qui fait la navet­te entre Rome, l’Espagne et le Chili et qui con­ti­nue à fai­re par­tie, même après ce scan­da­le, du cer­cle le plus inti­mes des con­fi­den­ts du pape.

Et c’est ce petit cer­cle d’amis qui con­sti­tue le point fai­ble de François. Et vu les pré­cé­den­ts, une volte-face et un coup de balai les con­cer­nant sem­blent tout à fait impro­ba­ble.

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Cette note est parue dans “L’Espresso” n. 26 de 2018, en ven­te en kio­sque le 1er juil­let, à la page d’o­pi­nion inti­tu­lée “Settimo Cielo”, con­fiée à Sandro Magister.

Voici la liste de tou­tes les pré­cé­den­tes notes :

> “L’Espresso” au sep­tiè­me ciel

 

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Date de publication: 1/07/2018